Festival Jazz à la Villette du 29 août au 8 septembre 2024

Jan Bang
© Kaupo Kikkas

Interview : Jan Bang

interview

En seconde partie d’un concert où le jazz scandinave est mis à l’honneur, Jan Bang, Eivind Aarset, Arve Henriksen présenteront avec Tigran Hamasyan leur nouveau projet, Atmosphères.
Rencontre avec l’un des musiciens de cette soirée, Jan Bang, qui nous parle de sa musique et nous en dit un peu plus sur ses projets.

Jazz à la Villette : Pourriez-vous nous donner quelques éléments biographiques clés ?

Je suis né à Denver, dans le Colorado. J’ai passé mon enfance en Norvège et j’ai formé un duo de musique électronique avec Erik Honoré en 1987. Je produis également des artistes norvégiens depuis les années 1990. J’ai lancé le live sampling en 1996 et j’ai commencé à collaborer avec des musiciens étrangers issus de l’impro/free jazz, en improvisant avec l’électronique.

Que faites-vous sur scène ? Que signifie votre concept de live remix ?

Lors d’un concert, je fais du live sampling. Cela signifie que j’ai accès aux instruments qui sont sur scène : j’isole des extraits de ce qui est joué ici et là par les musiciens, et j’utilise ces échantillons (samples) pour créer quelque chose de nouveau.
Erik Honoré et moi avons développé le live remix : c’est une manière pour nous d’utiliser le concert comme source sonore en tant que telle pour de nouvelles interprétations. Cela peut aussi être le point de départ d’un autre concert. Nous invitons souvent sur scène d’autres musiciens, jouant des instruments acoustiques ou électriques. Nous avons eu la chance de développer ce concept avec un groupe de musiciens dont font partie Eivind Aarset, Sidsel Endresen, Nils Petter Molvaer, Arve Henriksen etc.

Quand avez-vous rencontré Erik Honoré ? Comment avez-vous commencé à travailler ensemble ?

Nous avons tous les deux grandi dans une petite ville, où nous avions accès à la musique principalement à travers les enregistrements et la presse musicale ; et nous aimions tous les deux faire de la musique. Erik jouait du synthé, programmait les percus et écrivait des paroles, et je faisais les claviers et le chant. Nous composions et arrangions tout cela ensemble dans la chambre d’Erik. Nous étions surtout intéressés par la production et le design sonore. Nous expérimentions et faisions des erreurs, mais au moins c’était nous qui décidions.

En 2005, vous créez avec Erik Honoré le Punkt Festival (qui a lieu début septembre à Kristiansand, la ville où vous avez passé votre enfance). Pourquoi ? Comment avez-vous conçu ce festival ?

L’idée de ce festival était déjà là en 2002, après deux albums où, dans nos recherches pour créer un nouveau langage, nous nous étions nous-mêmes imposés des règles strictes qui fixaient des limites. Nous avons enregistré Birth Wish où nous avions invité le trompettiste Arve Henriksen et le pianiste Christian Wallumrød, et nous avons utilisé leurs sons comme matière première pour « sampler » et y ajouter des effets sonores en direct. En généralisant ce système, nous en sommes venus à l’idée du Punkt Festival et au concept de live remixing. Je pense que notre premier live remix, avec Sidsel Endresen comme invité, était de Jon Hassell, avec lequel j’ai beaucoup travaillé depuis.

Quand et comment avez-vous rencontré Arve Henriksen et Eivind Aarset ? Vous avez travaillé/produit plusieurs albums pour et avec eux…

Eivind et moi nous sommes rencontrés en travaillant avec Bugge Wesseltoft1 et, avant ça, grâce à Bendik Hofseth, un saxophoniste et compositeur de chanson norvégien. Je jouais dans le groupe du percussionniste Audun Kleive dans les années 1990 et c’est dans ce cadre que j’ai rencontré pour la première fois Arve, qui est depuis devenu un partenaire régulier, tant en tournée qu’en studio.

Tigran Hamasyan a fait appel à vous pour son album Shadow Theatre. Que vous a-t-il dit ? Comment s’est passée votre rencontre ?

C’est Dhafer Youssef2 qui a fait le lien. Je crois que Tigran a entendu mon travail de production sur l’album Cartography3 qu’il a beaucoup écouté, et qu’il voulait, d’une certaine manière, entrer dans cet univers sonore.
Tigran et moi avons fait notre premier concert au festival Enjoy Jazz de Mannheim, avant de jouer au Punkt Festival à Kristiansand. Manfred4 nous a entendu en direct à la radio allemande et m’a appelé pour nous demander de faire une session d’enregistrement pour ECM. Nous nous sommes dit que ce serait super d’y convier Eivind et Arve ; ils ont tous les deux accepté l’invitation et nous nous sommes retrouvés très peu de temps après dans le studio, en Suisse.

… Ce qui a donné votre nouveau projet, Atmosphères, que vous allez jouer à Jazz à la Villette le 9 septembre…

Dans ce projet, le procédé est intéressant : il n’y a eu qu’une seule prise, sans aucun overdub5. Nous avons enregistré pendant deux jours et la musique semblait couler de source. Manfred avait tout préparé donc, au moment où nous avons commencé à jouer dans le studio, nous étions déjà « en mode enregistrement ». Le second jour, nous avions un double album. Une expérience extraordinaire. Chacun d’entre nous était complètement concentré et « dans » la musique. C’est une belle expérience, qui diffère de la manière dont je travaille habituellement, en passant du temps en studio. Je ne dis pas qu’une manière est meilleure que l’autre. Mais j’ai beaucoup aimé travailler étroitement avec les autres musiciens et Manfred en tant que producteur.


  1. Bugge Wesseltoft est pianiste.
  2. Dhafer Youssef est joueur d’oud. Il a notamment fait appel à Jan Bang pour son album Digital Prophecy.
  3. Cartogaphy est un album de Arve Henriksen.
  4. Manfred Eicher est le fondateur du label ECM.
  5. Overdub : technique qui consiste à enregistrer séparément différentes sources musicales (percussions, voix, sections d’un orchestre…) qui sont ensuite mixées ensemble.

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